Célèbre dans les laboratoires « Drosophila melanogaster » est l'un des animaux les plus utilisés par la recherche scientifique, notamment en génétique. Les procédures d'élevages des laboratoires sont sophistiquées et donnent de très bons résultats, tant sur la quantité de mouches obtenues que sur leur qualité. Ces protocoles sont toutefois à la portée de l'amateur qui veut s'en donner les moyens. Le matériel est dans ce cas toujours aseptisé, à l'alcool à 90° par exemple. La recette employée comprend 75 cm3 d'eau, 10 g de sucre, 8g de farine de maïs, 1,5 g d'agar-agar (gélifiant), 1,3 g de levure sèche et 0,2 cm3 de solution antifongique. L'agar-agar, ou toute autre feuille de gélifiant alimentaire, doit macérer dans 50cm3 d'eau pendant 30minutes avant d'être chauffé. La levure est délayée dans 5cm3 d'eau et la farine de maïs dans les 20cm3 d'eau restants. Le sucre est ajouté à l'agar-agar lorsque ce dernier arrive à ébullition, suivi par la farine et la levure. Cette mixture est portée à feu doux et remuée régulièrement durant une demi-heure. L'incorporation d'un antifongique évite l'apparition de moisissures sur la préparation. Si les laboratoires utilisent du parahydroxybenzoate de méthyle sodé, à raison de 10 grammes pour 100 millilitres d'alcool à 95°, ce produit commercialisé le plus souvent au kilo n'est pas réellement destiné au particulier. L'aquariophile peut cependant trouver cette molécule en pharmacie, car elle entre dans la composition de nombreux fongicides destinés à la médication humaine. Les quantités utilisées doivent tenir compte de la teneur en produit actif, l'excipient étant souvent fortement dosé. Le mélange est ensuite introduit dans un récipient qui est rapidement obturé, pour limiter les risques de contamination due au milieu extérieur. Après refroidissement complet, quelques gouttes d'une émulsion épaisse faite de levure de boulanger et d'eau bouillie et refroidie sont versées sur ce milieu. Une feuille de papier absorbant est introduite dans le bocal, qui peut être conservé deux semaines dans un réfrigérateur.
Un cycle de dix jours Les premières souches de drosophiles sont introduites dans la préparation après la période de fermentation. Le cycle de développement de l'insecte est de 10 jours à partir de la ponte sous une température de 23°C, mais il peut s'allonger de 15 à 20 jours entre 18 et 20°C.Ce délai peut être mis à profit pour ajuster la production des insectes aux besoins. La drosophile dépose ses oeufs ovoïdes et de couleur blanche directement sur le milieu nutritif. Ils donnent naissance à des larves de type helminthoïde. Ces asticots d'une longueur de 1 mm subissent plusieurs mues et atteignent la taille de 6 mm en une semaine. Après avoir rejoint un endroit sec, en l'occurrence les parois du bocal, le papier absorbant ou tout autre support prévu à cet effet, elles s'y fixent par l'intermédiaire des trachées qui forment des excroissances puis s'empupent. D'extraordinaires modifications physiologiques et morphologiques se produisent alors à l'intérieur de la peau qui n'est plus qu'une enveloppe. Après quatre jours de bouleversement, les imagos, c'est-à-dire les insectes adultes, sortent de leur pupe.
Avec ou sans ailes Les laboratoires utilisent pour leurs travaux des insectes de type vestigial. Ces mouches mutantes sont dotées d'ailes atrophiées qui ne leur permettent pas de se déplacer dans les airs. Si leur taille est le plus souvent supérieure à celle de leurs consoeurs ailées, elles se révèlent moins prolifiques et plus fragiles. De surcroît, leur isolement doit être total pour éviter d'éventuelles hybridations avec des drosophiles sauvages pourvues d'ailes. Dans des conditions adéquates, un tel élevage donne de bons résultats et s'avère très pratique lors de la distribution des mouches aux poissons, puis qu'aucune évasion n'est possible. Il suffit de tapoter le bocal au-dessus de l'aquarium pour distribuer la quantité d'insectes voulue. À l'inverse, les drosophiles sauvages posent de réels problèmes à l'heure du repas des poissons. Sans précautions, le nombre de mouches volant dans la pièce sera plus important que celui tombé dans le bac. li faut donc user de stratagèmes pour interdire toute évasion lors de l'ouverture du bocal.
Différentes méthodes peuvent être employées. L'une d'elles consiste à recouvrir le flacon d'une chaussette de nylon avant de retirer le bouchon de mousse pour libérer les drosophiles. Celles-ci se précipitent à l'extérieur et sont retenues par le filet improvisé. Le bouchon de mousse est replacé et la chaussette retirée, son extrémité étant fermée avec la main. Une légère ouverture est ensuite créée pour laisser passer une éprouvette dans laquelle les mouches se précipiteront. Une fois la totalité de la capture transférée dans le tube, celui-ci est obturé avec un doigt et rempli d'un peu d'eau. Quelques secousses permettent de mouiller les ailes des drosophiles et de les étourdir. Elles sont alors distribuées rapidement aux poissons. Une autre technique consiste à placer quelques instant le bocal d'élevage dans un congélateur, le temps que le froid engourdisse les drosophiles. Il faut toutefois user de cette méthode avec prudence et vérifier toutes les quinze secondes le processus d'endormissement, une exposition prolongée provoquant la mort de la colonie. C'est avec l'expérience que l'aquariophile va déterminer le temps nécessaire à cette anesthésie .
Se procurer les Drosophiles Pour se procurer une souche de drosophiles aptères ou à ailes vestigiales, il est possible de s'adresser à un laboratoire de recherche ou à un aquarium public. Les associations d'aquariophiles regorgent également d'amateurs spécialisés dans la maintenance de nourriture vivante et il y aura toujours quelqu'un pour fournir une souche et prodiguer des conseils.
Les drosophiles sauvages se capturent du printemps à l'automne, en abandonnant à l'air libre des bocaux remplis d'une mixture d'élevage. Les insectes vont y pénétrer pour se nourrir et pondre. Dès l'apparition des larves, les récipients sont obturés par un tampon de mousse.
Renouveler les cultures Les préparations destinées à l'élevage des drosophiles courent le risque de s'assécher ou d'être colonisées par des agents pathogènes capables de détruire les colonies. Il faut donc assurer le maintien des souches en préparant régulièrement un nouveau milieu nutritif et en sélectionnant quelques géniteurs. La date de mise en service de la culture doit être portée sur le bocal, pour effectuer des renouvellements périodiques.
Texte du Docteur Cusimano.